La sécurité des patients : encore et toujours une priorité !

La campagne de sensibilisation

Il y a 25 ans, l'Institute of Medecine aux Etats-Unis publiait un rapport fondateur : To err is human [1]. Pour la première fois, un ouvrage scientifique mettait en lumière les faiblesses de nos systèmes de santé et l'impact de celles-ci sur les patients, notamment en termes de mortalité évitable. Ce constat allait mener à l'éclosion d'une discipline à part entière au sein du secteur de la santé : la sécurité des patients

À la suite de cette publication, les initiatives se multiplièrent à travers le monde, avec plus ou moins de succès. Ce fut également le cas chez nous, avec par exemple le lancement dès le milieu des années 2000 des plans pluriannuels Patient Safety du SPF-Santé Publique. Ceux-ci visaient la mise en place des éléments indispensables à la gestion des risques et à l'amélioration de la sécurité des patients dans le secteur hospitalier. 

En mars 2017, l'OCDE publiait un nouveau rapport sur la question : The Economics of Patient Safety [2]. Après une revue de la littérature sur l'incidence et les conséquences des évènements indésirables, le rapport proposait une série de recommandations d'actions formulées par des experts du domaine. Ces recommandations étaient, pour la plupart, déjà connues, signe qu'il y a un consensus fort sur ce qu'il y a lieu de faire pour améliorer significativement la sécurité des patients. Mais cela signifie aussi que le secteur peine à passer à l'action et à faire changer les comportements et les organisations. C'est le cas dans les hôpitaux mais également en première ligne [3] et dans les maisons de repos [4].

En 2019, conscient des efforts supplémentaires à fournir, l’OMS lançait la Journée Mondiale de la sécurité de patients, qui se tient dorénavant tous les ans le 17 septembre [5] (nous vous donnons d'ailleurs rendez-vous en septembre pour les nombreuses activités que nous organiserons à cette occasion). Dans la foulée, l'organisation internationale publiait son Global Patient Safety Action Plan 2021-2030 [6] qui fournit un cadre permettant aux pays d'élaborer leurs plans d'action nationaux sur la sécurité des patients et d'aligner les instruments stratégiques existants pour améliorer la sécurité des patients dans tous les programmes cliniques et liés à la santé. A la même époque, de nombreuses organisations publiaient leur propre stratégie en la matière.

Ce fut également le cas de la PAQS qui, début 2020, finalisa son Livre Mauve proposant une stratégie régionale pour l'amélioration de la sécurité des patients [7]. Construite avec l'ensemble des acteurs du secteur, elle propose une série d'actions à mettre en œuvre, inspirées des recommandations internationales et adaptées au contexte local. Ces actions sont organisées en cinq blocs.

Se donner les moyens de pouvoir évaluer l'état actuel de la sécurité des patients en Belgique, d'en déduire les actions prioritaires à mettre en place, et de monitorer l'évolution de la situation.

  • Sensibiliser tant les acteurs du secteur que la population à la thématique de la sécurité des patients, et au rôle de chacun dans l'amélioration de celle-ci.
  • Introduire les professionnels de la santé aux fondamentaux de la Qualité et de la Sécurité, avec une intégration de ces concepts dans toutes les formations de base.

Renforcer la formation continue en la matière, et soutenir les professionnels et les organisations dans la gestion des évènements indésirables.

  • Réfléchir à la déclaration des évènements indésirables graves, en intégrant cette obligation à un dispositif cohérent de soutien dans l'analyse et la mise en œuvre d'actions correctrices. 
  • Intégrer des normes de sécurité dans la règlementation, afin de pérenniser les démarches entreprises, à systématiser les actions menées et à garantir ainsi aux patients une prise en charge répondant aux normes de sécurité adéquates.
  • Former des spécialistes de la sécurité des patients au sein des institutions, pour soutenir les acteurs de première ligne dans l'amélioration au quotidien.
  • Généraliser l'utilisation du modèle pour l'amélioration [8].

En mars 2020, l’arrivée de la COVID-19 chamboula le monde et créa une crise sans précédent au sein des systèmes de santé. Elle rappela notamment à tous l’importance de la gestion des risques en milieu hospitalier. Cette période critique engendra également une prise de conscience généralisée de l’impact du bien-être du personnel sur le fonctionnement de nos institutions et sur la sécurité des patients. Cette crise était donc l’occasion de renforcer l’attention sur la sécurité des patients.

Au sortir de la crise, notre secteur se retrouve aujourd’hui soumis à une pression inédite. L’impact de la pandémie sur le personnel continue de se faire sentir, les burnouts se multiplient, et la pénurie de personnel semble s’installer dans le temps. Quant à la crise énergétique récente, si elle a eu le mérite d’éveiller les consciences sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises, elle a mis nos institutions de soins dans une situation financière complexe, ajoutant du chaos au chaos. Ces crises multiples occupent, bien naturellement, le devant de la scène. Ces constats font naitre une interrogation: dans ce contexte, où est passée la sécurité des patients ? En effet, la sécurité des patients DOIT rester une priorité.

Every health professional wants to provide the best possible care for their patients. But for too long the prevailing view has been that in delivering that care some patient harms are inevitable, and nothing can be done to prevent them. That view is unacceptable. Patient safety is not a luxury. It is not something only advanced health systems can provide. It is the cornerstone of quality care everywhere. [9]

En Belgique, une étude récente réalisée conjointement par la PAQS et les mutualités s'est intéressée aux incidents rapportés par les patients (PRIM). On y apprend que plus d'un patient sur six a vécu au moins un évènement indésirable, soit un résultat supérieur à celui que l'on retrouve dans les études similaires menées à l'étranger [10].

15,8 %

des patients rapportent avoir subi au moins un évènement indésirable

Et à l’international, la volonté de faire changer les choses reste présente. 

Ainsi, les 23 et 24 février derniers s’est tenu le cinquième sommet ministériel sur la sécurité des patients à Montreux en Suisse. L’occasion de rassembler en un lieu, pendant deux jours, experts et décideurs politiques pour impulser un vrai changement dans le fonctionnement de nos systèmes de santé et faire de la sécurité des patients une priorité absolue. Un consensus sur les points suivants a pu être dégagé.

  • Malgré les progrès réalisés jusqu’à présent pour relever les défis liés à la sécurité des patients dans le monde entier, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour que tous les patients reçoivent des soins adaptés, sûrs et de grande qualité ; 
  • Les leçons tirées de la crise du COVID-19 offrent un potentiel énorme pour construire des systèmes de santé plus résilients et maintenir des soins sûrs et de haute qualité, dont la sécurité des patients est une composante essentielle ; 
  • Le « déficit de connaissances » en matière de sécurité des patients se réduit ; le moment est donc venu de réduire le « déficit de mise en œuvre » ; 
  • Les interventions visant à améliorer la sécurité des patients ne sont efficaces que si elles sont mises en œuvre de manière globale et durable, avec des dispositions de contrôle appropriées ; 
  • Les interventions en faveur de la sécurité des patients doivent être mises en œuvre de manière à obtenir des résultats bénéfiques pour les patients ; 
  • La collaboration mondiale, l’apprentissage mutuel et la coordination des efforts sont essentiels et devraient être soutenus par une gouvernance au niveau mondial.

Le chemin parcouru en 25 ans est impressionnant. Mais à travers ce bref historique partiel, il apparaît clairement que la sécurité des patients doit, encore et toujours, faire l’objet d’une attention soutenue de la part de toutes les parties prenantes. La route sera longue, parfois difficile, mais il y a des raisons d’espérer. Plus de deux décennies après To Err is Human, les outils, les méthodes, et les stratégies pour améliorer la sécurité des patients sont nombreux et efficaces. Les recettes sont donc connues. Reste à les appliquer. C’est un des objectifs poursuivis par la PAQS, que ce soit au travers de nos programmes, de nos formations et de nos productions. 

Depuis quelques temps, le Livre Mauve, notre stratégie régionale pour l’amélioration de la sécurité des patients, est utilisé en interne à la PAQS comme fil rouge pour nos activités. Citons notamment la formation Patient Safety Officer ou nos travaux sur les évènements indésirables graves qui sont directement issus des recommandations formulées. Mais dernièrement, le Livre Mauve a également été utilisé par les autorités régionales pour le développement de dispositifs réglementaires axés sur la qualité des soins et l'amélioration continue. Il s'agit non seulement d'une reconnaissance du travail réalisé par l'ensemble des parties prenantes impliquées, mais également d'un signe de la prise de conscience, dans le chef des autorités, de l'importance de travailler à cette problématique. C'est une victoire. Il faut s'en réjouir.

Améliorer la sécurité des patients prend du temps, c’est certain. Cela demande un véritable engagement de la part de tous, à tous les niveaux. Petit à petit, nous voyons des choses changer. C’est positif. Continuons, ensemble, à porter la sécurité des patients comme une priorité de nos systèmes de santé, afin d'atteindre un jour le zéro dommage évitable.

First, Do No Harm


[1] Kohn LT, Corrigan JM, Donaldson MS. To err is Human: building a safer health system. Washington DC: National Academy Press. 1999
[2] Slawomirski, L., A. Auraaen et N. Klazinga (2017), « The economics of patient safety: Strengthening a value-based approach to reducing patient harm at national level », Documents de travail de l’OCDE sur la santé, n° 96, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5a9858cd-en
[3] Auraaen, A., L. Slawomirski et N. Klazinga (2018), « The economics of patient safety in primary and ambulatory care: Flying blind », Documents de travail de l’OCDE sur la santé, n° 106, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/baf425ad-en
[4] de Bienassis, K., A. Llena-Nozal et N. Klazinga (2020), « The economics of patient safety Part III: Long-term care: Valuing safety for the long haul », Documents de travail de l’OCDE sur la santé, n° 121, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/be07475c-en
[5] https://www.who.int/campaigns/world-patient-safety-day
[6] Global patient safety action plan 2021–2030: towards eliminating avoidable harm in health care. 
Geneva: World Health Organization; 2021. Licence: CC BY-NC-SA 3.0 IGO
[7] Livre Mauve - cliquez ici
[8] https://www.ihi.org/resources/Pages/HowtoImprove/default.aspx
[9] Flott, K., Fontana, G., & Darzi, A. The Global State of Patient Safety. London : Imperial College London. 2019
[10] Rapport du projet PRIM, Avril 2023, Etude réalisée en collaboration avec l’OCDE, Solidaris, la Mutualité Chrétienne et les Mutualités Libres - Pour obtenir une copie de l'étude, envoyez un mail à quentin.schoonvaere@paqs.be

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