L'accréditation en question

Etre accrédité ou ne pas l'être?

« Être accrédité ou ne pas être accrédité ? », telle est la question ! Arrivée en Belgique il y a une vingtaine d’années, d'abord en Flandre puis à Bruxelles et en Wallonie, la démarche d'accréditation des institutions de soins est en constante évolution. Si cet outil en faveur de l'amélioration de la qualité des soins et de la sécurité des patients occupe le devant de la scène depuis plusieurs années, les questions sur sa pertinence dans le long terme se multiplient. À tel point qu'il n'est pas impossible que le paysage de l'amélioration continue en Belgique soit profondément chamboulé dans les prochaines années. Dressons l'état des lieux du célèbre processus.

Remise en contexte 

Suite à la déclaration de politique régionale (DPR) de 2009 en Flandre et à l’engagement massif des hôpitaux flamands dans la démarche, les premiers hôpitaux bruxellois et wallons se sont lancés dans l’accréditation en 2013-2014. C’est d’ailleurs dans ce contexte que la PAQS a été créée à l’époque, pour répondre aux nombreuses questions qui se posaient et accompagner les institutions dans les premiers pas de la démarche. 


L’accréditation des hôpitaux se définit généralement comme une méthode d'évaluation externe, le plus souvent volontaire. C’est un outil permettant de soutenir l’amélioration de la qualité, par la répétition de cycle « Plan Do Study Act » sur base de référentiels et de « visites » d’experts. L’accréditation est pratiquée dans plus de 100 pays dans le monde, par une cinquantaine d’organismes d’accréditation (publics ou privés). 


L’absence d’un impact démontré de l’accréditation sur la qualité des soins est la critique la plus régulièrement adressée (même si de nombreux effets positifs de cette démarche sont largement documentés). La lourdeur de la démarche et le coût de celle-ci sont deux autres critiques régulièrement formulées.

Qu'en est-il chez nous ? 


A ce jour, à Bruxelles et en Wallonie, sur base des informations disponibles publiquement ou communiquées par les institutions, le paysage de l’accréditation* des hôpitaux est le suivant :




On peut constater que les institutions accréditées localisées sur la carte (dénombrées sur base de leur numéro d'agrément) sont toutes accréditées par Accréditation Canada (en rouge), sauf une (en bleu), qui a pu bénéficier d’un projet-pilote avec la Haute Autorité de Santé (HAS - France). En ce qui concerne les maisons de repos, une dizaine sont accréditées en Wallonie, également par Accréditation Canada.


On peut également s’intéresser à la répartition des réflexions et des processus en cours, reprise dans le graphique ci-dessous (données 2022).


On y observe que presque 50% des institutions bruxelloises et wallonnes auront été au moins une fois accréditées d’ici deux ans (durée habituelle d’un processus une fois celui-ci lancé). Il faut tenir compte d’un effet « taille » (les plus petites institutions sont proportionnellement moins nombreuses à avoir entamé un tel processus), mais aussi d’un effet « secteur » : le secteur de la santé mentale ne représente que 10% des institutions accréditées ou en cours, alors ce même secteur compte pour 50% des institutions en réflexion, ne souhaitant pas démarrer un processus ou dont le statut nous est inconnu à ce jour.

En Flandre, tous les hôpitaux sont accrédités, dont certains (comme l'UZ Leuven) depuis presque vingt ans. Dès lors, d’un point de vue strictement quantitatif, la Flandre est plus avancée en la matière, et l’on peut donc supposer que la culture « qualité » y est plus implantée (il s’agit d’un effet documenté de l’accréditation). La DPR de 2009 a certainement joué un rôle clé en la matière, la fixation d’un cadre et la définition d’une vision claire étant des leviers importants pour initier ce type de démarches. Toujours selon nos informations, le « marché » en Flandre est plus ou moins équilibré entre la Joint Commission International (JCI), branche internationale d’un organisme américain, et Qualicor, organisme hollandais travaillant avec les référentiels et les outils d’Accréditation Canada.

Quel avenir pour l’accréditation en Belgique ?

En Flandre, la maturité vis-à-vis des démarches d’amélioration continue apparaît donc plus importante qu’à Bruxelles et en Wallonie. Tous les hôpitaux sont accrédités et l’utilisation des indicateurs y est généralisée, notamment via le Vlaams Instituut voor Kwaliteit van Zorg (VIKZ). Dans ce contexte, on assiste actuellement en Flandre à un questionnement profond sur l’accréditation, et notamment sur le rapport coût/bénéfice une fois que plusieurs cycles ont été réalisés avec succès. 

Certains hôpitaux semblent avoir conclus de ce questionnement qu’il était temps pour eux de « passer à autre chose », les fondations de la culture qualité étant en place. Au moins deux approches se dégagent : 

  • La KULeuven a développé son propre modèle qualité : FlaQuM. Non certifiant, il vise à encadrer et soutenir des actions plus « bottom-up », après l’évaluation de la maturité de l’institution. Une équipe de chercheurs travaille sur ce modèle, qui est aujourd’hui en cours de déploiement dans plus de vingt hôpitaux flamands ;
  • L’UZ Gent a opté pour une sélection, au sein des référentiels internationaux, des critères sur lesquels ils souhaitent travailler. Cette sélection a été réalisée avec le terrain, afin d’en maximiser l’appropriation. L’objectif est donc de concentrer le travail sur des réalités et des besoins plus proches du terrain, sans développer ses propres standards.

Il convient néanmoins de souligner que selon plusieurs sources en Flandre, les hôpitaux flamands qui arrêtent aujourd’hui l’accréditation souhaiteront probablement à nouveau se faire accréditer dans le futur, au moins de manière ponctuelle, pour se confronter à une vision/évaluation externe internationale.

D’un autre côté, les organismes d’accréditation font évoluer le dispositif pour tenir compte de l’évolution des systèmes de santé et des contraintes existantes. Citons par exemple le déploiement à venir d’une accréditation lissée dans le temps (plutôt qu’en une fois), ou encore l’accréditation d’un réseau hospitalier dans son ensemble. La sortie des « murs de l’hôpital » est aussi au programme, avec l’accréditation de maisons de repos (en Wallonie aussi), des soins à domicile, ou encore l’accréditation de trajets de soins, avec l’intégration du système de santé en point de mire. 


A Bruxelles et en Wallonie, si le paysage de l’accréditation est donc encore fort éloigné de celui de la Flandre, les questionnements des hôpitaux flamands ont « cheminé » vers les deux autres régions. 

Avec, en outre, un marché qui évolue fortement, ce qui amène d'autres questionnements dans le chef des institutions de soins, notamment au niveau de la sélection du "meilleur" opérateur. Après une période de dix ans durant laquelle Accréditation Canada a bénéficié d'une situation de quasi-monopole, la Haute Autorité de Santé (HAS) qui certifie les hôpitaux en France  a aujourd'hui la possibilité de travailler à l’étranger, et donc en Belgique. Plusieurs hôpitaux ont déjà signé avec l'organisme français. Si la JCI semble restée marginale, un quatrième acteur a fait son apparition. Il s’agit d’Euromedi, dont les référentiels sont en cours d’examen par l’ISQua, afin d’obtenir la certification de ceux-ci, condition nécessaire à obtenir, dans un second temps, la certification d’une organisation comme organisme d’accréditation.

Enfin, au moins un hôpital a entamé une démarche similaire à celle menée par l’UZGent.


Au niveau des autorités, l’existence d’un incitant direct à entreprendre (ou à continuer) un processus d’accréditation ne semble pas/plus être à l’ordre du jour. Au fédéral, l’indicateur « statut d’accréditation » pourrait disparaître du P4P à plus ou moins court terme. A Bruxelles et en Wallonie, les textes « qualité » en développement (mise à jour du Plan Wallon pour la Qualité des Soins Hospitaliers) et en finalisation (normes complémentaires à Bruxelles) ne font pas de l’accréditation une priorité en tant que telle, seule l’existence d’une démarche d’amélioration continue est pointée comme étant nécessaire. 

Que deviendra l'accréditation en Belgique ? 

Seul l'avenir nous le dira. Mais la question fondamentale est en réalité toujours la même qu'il y a dix ou vingt ans : comment faire en sorte d'inscrire dans le temps les démarches d'amélioration continue afin d'améliorer significativement et durablement la qualité des soins? Et la réponse n'a pas vraiment changée : l'accréditation est un outil qui, dans une certaine mesure, a fait ses preuves pour établir les fondamentaux de la qualité et donner une direction aux initiatives entreprises. Dans ce sens, c'est un outil qui s'avérer fort utile. Mais il n'est ni indispensable, ni suffisant. 

Le développement d'une culture qualité, au travers le développement de compétence, l'existence d'un leadership fort et partagé, et l'engagement des équipes autour d'un sens au travail et d'une raison d'être retrouvés restent les éléments indispensables à l'amélioration de notre système de santé. C'est donc sur ceux-ci que doivent se concentrer les efforts, quel que soit l'outil choisi.

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